“Shadow Theatre” / “Théâtre d’ombres”
Since Sabine Jaccard asked me to help her with her photographic work and that of her pupils in Ambositra (Madagascar), we have looked together at about a hundred contact sheets in search of "the" photo, the one where everything is set spontaneously, the photographer's dream. We have often chosen the same photograph, wondering about this
mystery: why this one and not that one, which is more studied, the witness to a more intense emotion, the result of a more difficult pursuit, or the story of a more interesting episode? A good photo is often more felt than calculated;
it is given like a favour. Yet one has to be able to seize it and then to spot it. Even if, for lack of time, the focusing is not perfect, as long as it captures everything, it is a good photo because it gives you the desire to see. It has an action, an atmosphere, often due to little: a pipe lying on the ground isolates a child from the others rejecting him in an enigmatic solitude; a stick forgotten on the soil fixes the composition; a ball appears like a gift from God in the camera;
the precision of an inscription on a wall gives life to all the rest; a leg cut on the left corner frames a scene. Sabine was interested in shadows, never hesitating to cut off her characters to concentrate on their shadows,
focused and clear cut but rich in ambiguity. She found there a source of personal inspiration which
makes her work progress. I would have liked my first exhibition, a long time ago, to be as considered as hers.
Pierrot Men (Malagasy photographer)
"The other side of sight"
Sabine Jaccard studied English. She is a well-informed lover of Shakespeare and Lewis Carroll, the photographer of children and the author of "Through the Looking Glass", in which a child explores the other side of the adults' world represented by a big chessboard. Her photographer's eye glances off things and people as off the surface of a mirror.
She doesn't see, she searches. In her quest, she has seized the chance of getting to know an illustrious neighbour,
Pierrot Men. A good artist makes you see his world through his eyes. How is it possible to escape from his look when one lives in his world, the world of Malagasy villages populated by curious children, sometimes sad players, projecting their shadow-theatre on the vibrant screen of walls and soils whose texture incites the spectator to meditate, or warrior silhouettes hugging fragile and elegant fences like Japanese engravings? Pierrot Men is both the inspirer, the obstetrician and the creator of a world in which Sabine Jaccard lands with her literary background and her personal story. If her work shows this hesitation, her personal search asserts itself when she studies the plastic and symbolic possibilities of shadows. They enable her to explore the next world of those faces of children now well-known and always ready
to ham it up, a next world which brings her back to herself and to her own spiritual quest. It is also a means
of exploring a medium, which uses, precisely, the projection of light and shadows on a flat and sensitive surface.
When the body no longer exists, what is left of the person? A question to ask oneself in the country of spirits.
Pauline de Laboulaye (French art critic)Antananarivo (Madagascar), 2001.
Depuis que Sabine Jaccard m'a demandé de l'aider dans son travail photographique, aussi bien pour ses
propres travaux que pour ceux de ses élèves d'Ambositra (Madagascar), nous avons scruté ensemble une
centaine de planches contacts à la recherche de "la" photo, celle où tout se met en place spontanément, le rêve du photographe. Il se trouve que nous choisissions souvent la même, nous interrogeant sur ce mystère: pourquoi celle-ci
et pas celle-là, pourtant plus recherchée, témoin d'un moment d'émotion plus intense, résultat d'une poursuite difficile,
ou récit d'une anecdote plus intéressante? La bonne photo est parfois plus sentie que calculée, donnée
comme une grâce. Mais il faut savoir la saisir, puis la repérer. Même si, faute de temps, la mise au point
n'est pas parfaite, du moment que tout y est, c'est une bonne photo parce qu'elle donne envie de voir. Elle a une action, une ambiance, souvent due à peu de chose: un tuyau qui traîne isole un enfant des autres le rejetant dans
une solitude énigmatique; un bâton oublié sur le sol assied toute une composition; un ballon surgit comme
un cadeau de Dieu sous l'objectif; la précision d'une inscription sur un mur donne vie à tout le reste; une
jambe coupée en haut à gauche cadre une scène. Sabine s'est intéressée aux ombres, n'hésitant pas à couper les personnages pour se concentrer sur leurs ombres portées, nettes et découpées mais riches d'ambiguïté.
Elle a trouvé là une source d'inspiration personnelle qui fait progresser son travail. J'aurais aimé que ma première exposition, il y a bien longtemps, soit aussi réfléchie que la sienne.
Pierrot Men (Photographe malgache).
Sabine Jaccard a étudié l'anglais, elle est une admiratrice éclairée de Shakespeare et de Lewis Carroll, le photographe d'enfants et l'auteur de "L'autre côté du miroir" où un enfant explore l'autre côté du monde des adultes représenté par un
immense échiquier. Sabine Jaccard ne voit pas, elle cherche. Son regard de photographe ricoche sur les choses
et les gens comme sur la surface d'un miroir. Dans sa quête, elle a su saisir la chance d'un illustre voisinage, celui de Pierrot Men. Un bon artiste est celui qui vous fait voir le monde par ses yeux. Comment échapper au prisme de son regard quand on vit dans son univers, celui des villages malgaches peuplés d'enfants curieux, joueurs et parfois un peu tristes, projetant leurs ombres chinoises sur l'écran vibrant de murs et de sols dont la texture incite à la méditation, ou silhouettes guerrières longeant des clôtures fragiles et élégantes comme des estampes japonaises?
Pierrot Men est à la fois l'inspirateur, l'accoucheur et le créateur d'un monde où Sabine débarque avec son
bagage littéraire et son histoire. Passionnée de Shakespeare, Sabine fait ressortir la gestuelle et construit un espace scénique qui tient plus de la fiction que du documentaire et permet toutes les projections. Elle y retrouve l'univers
d'un de ses auteurs de prédilection, Lewis Carroll. Comme l'enfant de son récit, "L'autre côté du miroir", qui explore l'envers du monde des adultes représenté par un grand échiquier. Sa recherche personnelle s'affirme
quand elle étudie les possibilités plastiques de l'ombre et des ombres. Elles lui permettent d'explorer l'au-delà de ces figures d'enfants désormais connus et volontiers cabotins, un au-delà qui la ramène à elle-même et à sa propre quête spirituelle. C'est aussi une façon d'inaugurer son travail de photographe par l'utilisation d'un médium qui utilise, précisément, la projection d'ombre et de lumière sur une surface plane et sensible. Quand le corps n'y est plus,
que reste-t-il de la personne? Une question à poser au pays des esprits.
Pauline de Laboulaye (Critique d'Art)Tananarive (Madagascar), 2001.